L'Escadron
des cent-gardes Les services de protection
rapprochée des chefs d'état sont les héritiers d'unités d'élite prestigieuses
qui, malheureusement, ont pour la plupart sombré dans l'oubli.
Aussi, SUPR vous propose de renouer avec notre histoire
en retraçant régulièrement l'historique et parfois les faits d'armes des
services qui ont protégé les grands qui ont fait le monde.
Nous commencerons ce mois-ci avec l'unité de protection
de l'empereur Napoléon III.
Proclamé Empereur des Français le 2 septembre 1852, Napoléon
III ne tardera pas à ressusciter les corps d'élite pour remplacer toutes
les anciennes troupes des Monarchies précédentes : gardes de la porte,
cent suisses, gardes de la manche, etc.
Parmi elles une unité aura pour mission exclusive la protection
de la famille impériale, au sein du palais comme sur le front. Cette unité,
c'est l'Escadron des Cent-gardes.
Par décret du 24 mars 1854 est créé un corps de
cavalerie d'élite chargé principalement de la garde du souverain et des
services d'honneur et de sécurité à l'intérieur des palais impériaux mais
aussi de la protection et de l'escorte des emblèmes de la Garde impériale
et leur remise solennelle aux porte-drapeaux et porte-étendards les jours
de revue. Ne faisant pourtant pas partie de la Garde Impériale, il
est tout de même sous les ordres du grand maréchal du palais. Il sera réorganisé
à deux reprises par des décrets.
Ce corps porte la dénomination d'"Escadron des Cent Gardes à cheval" et
le commandement en sera confié au commandant vicomte Jacques Félix Auguste
LEPIC du 1er mai 1854
au 21 février 1856. Puis Albert Verly, affecté à l'escadron
depuis sa création, sera ensuite nommé à la tête de l'unité et y restera
jusqu'à sa dissolution. Un
premier décret modificatif intervient le 29 février 1856.
La garde de l'intérieur du Palais des Tuileries
est exclusivement réservée aux Cent-gardes qui disposent de leurs propres
quartiers au 37 rue de Bellechasse à Paris et d'une caserne à Sèvres,
dans l'ancienne ferme de la Belle Polle (français signifiant " belle fille
").
Dans l'exécution du service des palais
impériaux, ceux-ci devaient conserver une immobilité absolue et ne devaient
les honneurs qu'à l'empereur et à la famille impériale
Le 14 janvier 1858, L'empereur et l'impératrice Eugénie
échappent de peu à un attentat à la bombe perpétré par le révolutionnaire
italien Felice Orcini.L'explosion cause la mort de 8 personnes
et fait 150 blessés.
A la suite de cet attentat, par décret du 17 mars 1858,
l'effectif de l'unité est porté à cent cinquante et ils seront désormais
présents à toutes les réceptions aux Tuileries et à toutes les cérémonies.
Le corps est alors organisé de manière définitive.
À Marnes la Coquette, près du château, dans le domaine de
Villeneuve-l'Étang, Napoléon III fait bâtir une ferme dans le style suisse
où loge l'escadron des cent gardes et leurs chevaux Pavillon des Cent-gardes.
En 1884, le bâtiment ainsi que le domaine seront attribués
à Louis Pasteur, puis à l'institut éponyme.
L'escadron des Cent-gardes se compose d'un état major et
de deux compagnies de 190 hommes et sous officiers. Les cent-gardes sont
recrutés dans les régiments de cavalerie de la garde ou de la ligne.
Critère incontournable : la taille réglementaire est de
1,80m au minimum. Certains cavaliers mesureront jusqu'à 2,10m, le plus
grand 2,12m.
La solde particulièrement élevée est de mille
francs-or par an pour les gardes et les trompettes. Après 7 années la
paie est augmentée de 12 à 80 centimes supplémentaires par jour.
L'uniforme fait pour être vu, est très brillant
Pour la tenue de ville, il se compose d'une tunique bleu
de ciel doublée de soie rouge, d'un pantalon garance à bande noire et
d'un bicorne.
En grande tenue de service, les Cent-gardes portent la culotte
en tricot blanc, la cuirasse avec l'aigle en relief et le casque à crinière
blanche. Les épaulettes des sous-officiers et des gardes disposent de
franges de soie rouge recouvertes d'un rang de franges d'or.
Pour le service à pied du Palais, les factionnaires sont
équipés d'une soubreveste en drap fin chamois, ornée d'un galon or avec
sur la poitrine les armes impériales brodées.
L'armement, se composait d'un mousqueton Treuille-de-Beaulieu,
d'une latte qui s'y adaptait en baïonnette et d'une épée (pour la tenue
de ville).
Escadron d'escorte, les cent gardes ne participent
aux campagnes militaires qu'en accompagnement de l'Empereur, d'abord lors
de la campagne d'Italie en 1859, "Il [l'Empereur] était à Magenta et à
Solferino entouré de ses cent-gardes, dont la taille et l'uniforme le
montrent d'une lieue." (Extrait d'une lettre de Mérimée à M. Panizzi ;
1870).
C'est lors de cette campagne, en juin 1859 à Solferino
précisément, qu'en protégeant l'empereur le commandant de l'escadron sera
blessé au bras.
Le 28 juillet 1870, Napoléon III arrive
à Metz, suivi des Cent-gardes et prend le commandement de l'armée du Rhin.
La guerre est déclarée à la Prusse.
L'empereur se retire
de Metz, se dirige vers Verdun puis Châlons-en-Champagne. il s'enferme
dans la ville de Sedan. Plusieurs Cent-gardes l'ont suivi et demeurent
en permanence à ses côtés.
Puis c'est la capitulation générale et la captivité à Mayence
pour les Cent-gardes.
Un décret du 1er octobre 1870 supprime l'escadron des
Cent-gardes et reverse ses effectifs au 2e régiment de marche
de cuirassiers dont il forma le premier escadron. Son chef, le colonel
Verly est mis d'office à la retraite par la République en octobre 1870.
Sur ce tableau intitulé « Désastre de Sedan »,
on peut observer deux cent-gardes délestés
de leur mission
(l'un casqué à gauche de l'image
et l'autre assis, la tête entre les mains au premier plan)
En 2004 s'est tenue durant deux mois à Compiègne l'exposition
"Cent-Gardes pour un empereur", commémorant le cent cinquantenaire de
la création des cent-gardes par Napoléon III. Elle ne sera que temporaire
et unique puisque les pièces qui la constituent regagneront aussitôt leurs
collections d'origine, en France, à l'étranger et auprès de descendants
des cent-gardes. Cette exposition fut la première
exclusivement consacrée à l'escadron.
Aujourd'hui, à part le ville de Sèvres qui
conserve les traces du passage de cette unité d'élite avec un quartier
des Cent-gardes (gymnase, parking, passage dits des Cent-Gardes), seule
la ville de Biarritz possède encore une petite rue des Cent-Gardes.
La cité basque doit ce souvenir de l'unité d'élite au fait que le couple
impérial y possédait une résidence, la villa Eugénie (forcément !),
et y passa de nombreux étés.
Bibliographie
Albert Verly, fils de l'ancien commandant
de l'unité publiera un historique et état nominatif du corps en mémoire
de son père.
" Souvenirs du Second Empire :
L'escadron des cent gardes", publié par Ollendorff,
Paris en 1894-95.
À l'occasion de l'exposition de 2004, a également été édité
un catalogue "Cent Gardes pour un Empereur, l'escadron d'élite de Napoléon
III"
Un article de Fillow |